COVID-19… Adoptez les bonnes attitudes avec vos salariés !
- Valérie Lacroix
- 16 avr. 2020
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 avr. 2020
« Ils avaient dit que cela allait durer trois semaines. C’était il y a trois ans. » Bernard Werber, Homo confinus
Lorsque j’ai lu ces mots, il y a quelques jours sur le site de Cultura, je suis restée dubitative. Je n’arrivais pas à savoir si ce qui était écrit était drôle… ou choquant… ou prémonitoire… ou tout à la fois. L’allocution du Président de la République, lundi dernier, a atténué mon sentiment d’éternitude (mot féminin, inventé en 2020 par Valérie Lacroix, contraction des mots éternité et habitude : quand on prend l’habitude de ne pas voir la fin de quelque) : on débute la fin du confinement le 11 mai. Débuter ne veut pas dire « mettre fin », nous avons encore quelques semaines à tenir… Pourquoi ne pas en profiter pour mettre en place de bonnes pratiques ?

Rappel du pourquoi du confinement :
c’est adapter le flux des malades aux capacités d’accueil hospitalier, et ne pas saturer les services de réanimation. Nous éviterons ainsi d’épuiser les équipes médicales déjà bien fatiguées et d’arriver à une situation sordide de tri des malades, plus que d’habitude… Donc soyons citoyens, soyons raisonnables, soyons juste humains…

Ce que nous vivons aujourd’hui est inédit : confinement, télétravail, chômage partiel, risques délétères… c’est une situation nouvelle, durable, imbriquée avec la vie familiale, du jamais vu. Certains diront qu’ils l’avaient prédit. C’est faux. Ils ont juste voulu se faire remarquer, se démarquer. Nous avons tous été pris au dépourvu.
Aujourd’hui, je vous propose un point dans le cadre de la santé/sécurité des salariés, et également la santé/sécurité des chefs d’entreprises, qui ne sont pas exempts des risques liés à cette situation, la différence notable étant que l’employeur est légalement responsable de la santé de ses salariés, alors que les salariés ne sont pas responsables de la santé de leur employeur…
De quels risques parle-t-on ?
- on parle, en premier lieu, du risque pour la santé physique : pour cela, je vous invite à vous rendre sur le site du ministère du travail, où vous trouverez des fiches conseil par métier. Vous pouvez également vous y rendre de mon post précédent.
- et en second lieu pour la santé mentale (les fameux RPS, les risques psycho-sociaux).
C’est quoi, les RPS ?
Ce sont des affections liées au stress ; pour faire court, le stress est défini par l'OMS (Organisation mondiale de la santé) comme le déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. On n’est pas égaux face à ce stress (santé, éducation, situation sociale, …), qui peut avoir des répercussions sur la santé, physique ou morale : troubles cardio-vasculaires, insomnie, dépression, burnout, voire suicide.

Ce stress est en lien avec la situation des personnes
Quelle que soit la situation, elle n’est pas habituelle, elle est subie, elle n’a pas été préparée…
Pour le salarié en présentiel : le salarié sait qu’il y a un risque mortel à sortir de chez soi, d’être en relation avec d’autres personnes, c’est une situation très anxiogène, en résonance avec les informations inquiétantes relayées quotidiennement par les médias ; il va aller travailler avec la peur au ventre, on peut imaginer le sentiment d’injustice qu’il ressent (pourquoi lui et pas les autres ? ), de colère, d’impuissance…
Pour le salarié en télétravail : c’est la difficulté des conditions de travail à la maison (situation familiale, environnement et outils non adaptés…), difficulté de la régulation de la charge de travail : la peur de ne pas en faire assez, ce qui conduit à une hyperactivité, à l’épuisement, voire un burnout ; c’est la suppression du lien social, ce qui est un risque de rumination mentale, facteur de dépression, …
Pour le salarié en chômage partiel : on observera plutôt un sentiment de culpabilité, un ressenti d’impuissance, d’inutilité, avec également un risque de rumination mentale, donc de dépression ; c’est aussi la suppression du lien social, ce qui est un risque de rumination mentale, facteur de dépression ; le confinement pourrait être vécu comme une forme de non-reconnaissance, être seulement une ressource humaine que l’on peut mettre de côté si besoin.
Pour le chef d’entreprise, qu’il ait des salariés ou non, c’est tous azimuts :
la peur de perdre son entreprise, donc son outil de travail,
la peur de perdre ses revenus, de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins, à ceux de sa famille,
et c’est aussi vivre un sentiment de déchéance sociale (un sentiment séculaire qui nous vient de notre histoire judéo-chrétienne, cf. l’histoire de la banqueroute ci-après).

Que peut-on mettre en place pour limiter ces risques ?
Il faut travailler sur trois axes principaux :

1er axe : L’organisation

- la mise en place du chômage partiel ne doit pas se limiter pas à renseigner un bordereau administratif : il faut expliquer au collaborateur ce qui va se passer, l’incidence sur sa rémunération, et comment le lien sera maintenu avec son employeur ; on ne peut pas dire aux gens « bon, on se rappelle quand tout sera fini… ».
- la mise en place du télétravail, pour ceux qui le peuvent ; il faut que l’employeur ait identifié les freins possibles : situation familiale (enfants, …), situation géographique (connexion,…), situation sociale (locaux inadaptés, voisinage pénible, …) ; il faut également expliquer au collaborateur ce qui va changer ; par exemple :
organiser les réunions d’équipe tous les matins, ou les organiser en phase avec la vie de famille du salarié, en fonction des situations,
organiser le travail par objectifs et non plus en heures de présence, révision de ces objectifs régulièrement.
etc.
Peu de personnes sont concernées habituellement par le télétravail, et pour beaucoup, les conditions idéales ne sont pas réunies.
- la continuité du travail en présentiel : il faut que l’employeur s’assure impérativement de l’application des règles et des précautions dans le cadre de sa mission de protection de ses salariés.
2nd axe : La communication :

- c’est garder le contact : par visioconférence (le must ! puisqu’elle permet de voir les visages, les expressions…, bref, tous les signes non verbaux qui ont une grande importance dans la communication), par e-mail, par messagerie instantanée, par téléphone. Les sémaphores ne sont plus d’actualité, et je ne vous conseille pas les signaux de fumée, la lecture en est très aléatoire (un coup de vent, et hop, la conversation prend une autre direction, un autre sens, part vers un autre interlocuteur, problématique au regard de la protection des données, entre autres choses ! )
Attention d’adapter sa communication à tous les publics de l’entreprise : tous ne sont pas connectés à internet, ou n’ont pas l’habitude d’utiliser Skype, Zoom, Messenger, etc., ou ont une mauvaise connexion, certains peuvent avoir des difficultés avec la lecture (7% de la population entre 18 et 65 ans est en situation d’illettrisme), etc.
- c’est informer : c’est une grave erreur de communiquer seulement quand on est sûr d’avoir toutes les réponses. Il faut informer, au fil de l’eau, de l’impact des décision externes (gouvernementales), et sur les décisions et aménagement internes (télétravail, chômage partiel, congés imposés…) ; c’est rappeler à chaque salarié que la direction reste joignable à tout moment pour une urgence ; c’est ne pas hésiter à dire qu’on ne sait pas répondre à une question trop particulière, et s’autoriser à rediriger ses collaborateurs vers des interlocuteurs plus à même de répondre aux cas particuliers (services de l’État, Pôle emploi…).
- c’est rompre l’isolement social, mettre de l’humain dans les interactions, c’est ne pas aborder que des questions liées au travail, mais également prendre des nouvelles des salariés, de leurs proches, c’est aussi s’inquiéter de leurs ressentis.
- c’est trouver un juste milieu dans la communication, ne pas inonder l’équipe de messages, mais communiquer régulièrement, en n’oubliant pas les salariés en chômage partiel…
- c’est aussi, et surtout, envoyer des signes de reconnaissance, remercier, féliciter les salariés qui travaillent en présentiel, c’est encourager les salariés en télétravail, saluer leur adaptabilité.
3ème axe : L’attention

c’est d’abord accepter la situation : on va juste faire du mieux que l’on peut : on ne peut plus faire comme avant, il faut lâcher prise (plus facile à dire qu’à faire, certes, mais je vous invite à vous donner le temps d'explorer des disciplines telles la sophrologie, la méditation en pleine conscience, la cohérence cardiaque, etc.),
se poser des limites (nous avons déjà abordé l’hyperactivité, la difficulté à lâcher, la peur de ne pas en faire assez, avec le risque de burnout),
s'accorder des pauses, s'obliger à prendre des pauses,
savoir créer des moments de lien, de convivialité avec l’ensemble des collaborateurs, quelles que soient leurs situations de travail ou de non travail, ils se souviendront de la façon dont ils ont été soutenus ou protégés par l’employeur,
et surtout ne pas hésiter à demander de l’aide …
A vous de jouer ! et portez-vous bien !
Comments